Les enceintes - Part 6 - Line Array
9 – LE SYSTÈME LINE ARRAY
1) Historique :
Un line array est au sens strict, un simple empilement d’enceintes conçues pour fonctionner de manière cohérente, sans plus de garanties que celles des constructeurs. Le line array améliore la directivité, il est connu depuis fort longtemps.
Dès les années 40, Bouyer, entreprise de Montauban, sonorisait les églises. Pour lutter contre la réverbération qui rend les prêches inintelligibles. Rappelons que la distance critique dépend de deux facteurs : le taux d’absorption de la salle et la directivité des sources utilisées. C’est pour améliorer ce 2ème facteur que Bouyer a conçu des enceintes dans lesquelles sont empilés plusieurs HP (4 ou 5). Ils avaient observé que ce type d’empilement augmentait la directivité et faisait reculer la distance critique.
JBL a produit aussi des colonnes dans les années 70.
Rappel sur la distance critique : c’est la distance à laquelle énergie de la réverbération = énergie directe de l’enceinte. Au-delà de cette distance, le signal devient confus.
Rappel de la formule de la distance critique : Dc = Racine carrée de R.D / 16 π R est la constante d’amortissement de la salle, Sa / 1 –
a, qui dépend directement du taux d’absorption de la salle et de D, la directivité de l’enceinte (1 est la situation omni)
La directivité maîtrisée présente des avantages dont les principaux sont :
- la couverture de plus grandes distances avec moins d’atténuation dans la zone utile.
- une couverture plus précise
- L’accroîssement de la distance critique dans une salle
Christian Heil qui a monté sa société en 1984 est le 1er , en 1988, au S.I.E.L, à présenter un système vraiment cohérent appelé « diffuseur d’ondes cylindriques » (DOSC), que l’on peut empiler à volonté sans provoquer d’interférences destructives. Société nommée L-Acoustics en 89.
A la convention de l’Audio Engineering Society ( AES) de septembre 2001, il présente, avec ses associés, les principes de la Wavefront Sculpture Technology ( sculpture du front d’onde) et établit les 5 critères du line source.
Ces critères permettent de coupler parfaitement toutes les sources de l’empilement et de générer un front d’onde cohérent.
2 – Principe du line source
a) Champ proche et champ lointain
Christian Heil, dans sa démonstration se réfère à la théorie de Fresnel (physicien vers 1800) qui a défini des lois importantes dans l’optique.
Lorsque la source est un point (c’est à dire petite par rapport à la longueur d’onde), la propagation du son est sphérique avec une atténuation de 20 log d. Lorsque la source et l’atténuation est deux fois moindre (10 log d) sur une certaine distance appelée distance limite. La distance limite, délimite le champ proche et le champ lointain où la propagation devient sphérique.
La hauteur de la source influe directement sur la distance limite. Voir tableau :
(F en KHz, H = hauteur de la source en mètres)
Application de la formule Vérifions le tableau à 1KHz pour un array de 1,6m D.lim = 3/2x1x 1,62 x racine 1- 1/(3x1,6)2 = 3/2 x 2,56 x racine 1- 0,043 = 3/2 x 2,56 x 0,97 = 3,72 m En mettant 6 décimales, on trouve 3,77 m
Autre exemple : distance limite pour un array de 8 m à la fréquence de 4KHz, on trouve 382 m
Remarque, en omettant la 2ème partie de la formule (x racine..) On a quasiment le résultat, que l’on devra multiplier par une valeur comprise entre 0,90 et 0,99. On trouve 0,7 avec des valeurs hors limite comme H = 2m et f = 50 Hz.
L’effort de Christian Heil consiste à éloigner la distance limite de manière à ce que tout l’auditoire soit situé à l’intérieur du champ proche. Mais il faut tout d’abord créer les conditions d’une source plane.
Exemple de distances limites obtenues avec un array de 2,35 m :
On constate :
- que fréquence et distance limite sont quasiment proportionnels : multiplier la fréquence par un nombre entraîne la multiplication de la distance limite par le même nombre.
- Dans le cas de cet array, la distance limite à l’échelle d’une salle présente peu d’intérêt en dessous de 2 KHz. Quel que soit la hauteur de l’empilement, il est impossible d’obtenir des distances limites très grandes aux fréquences vraiment basses < à 80 Hz.
b) Le V-Dosc
Pour que plusieurs sources se groupent de manière cohérente , il est indispensable qu’elles soient très proches les unes des autres. Les critères du line source imposent STEP* = ou < à λ / 2.
* STEP, c’est la distance des HP centre à centre.
Les fréquences basses ne posent aucun problème de couplage. car leur λ est très grande : 6,8m pour 50 Hz, 3,8m pour 80Hz.
Voici une modélisation des labo John Meyer qui met en relation distance entre HP et directivité.
L’array a une hauteur de 8 m et est composé de 16 sources (enceintes). STEP n’est pas donné.
On constate l’apparition de lobes de directivité à partir de 1KHz, donc la directivité est maîtrisée jusqu’à 500 Hz.
Dans la modélisation suivante, on a doublé le nombre de sources dans le même espace.On a donc divisé STEP par 2 et on constate que la directivité est assurée jusqu’à 1KHz.
C’est ce constat que fait C.Heil dans ses recherches et cela devient un des critères de la théorie du line source.
Cependant :
Les fréquences aiguës ont des λ de l’ordre du cm. Ex. 16KHz = 2 cm. Avec des pavillons conventionnels on ne peut pas les coupler.
C’est pourquoi, les différents constructeurs ont adopté divers guides d’ondes, parmi lesquels L.Acoustics, le DOSC.
Comme on le voit sur le dessin, chaque onde sonore émise par une chambre de compression ( sources 1 et 2) tout à fait classique emprunte un trajet strictement équivalent générant en sortie des ondes secondaires parfaitement en phase et très proches les unes des autres. Le front d’onde est dit « plan et isophase ». Le couplage est optimal entre sources, jusqu’à 16 KHz .
Le bon couplage des sources entraine une maitrise de la directivité verticale, avec pour conséquence, la production d’une onde dite cylindrique en champ proche.
3 – Critères du line source :
Ils ont été présentés lors d’une convention de l’AES en septembre 2001. Cet exposé était un passage obligé témoignant du sérieux de l’étude et permettant de se lancer à la conquête des USA.
Remarquons que l’AES dans sa publication se dégage de toute responsabilité quant au contenu qui incombe exclusivement aux auteurs. Ces derniers ont habilement tendance à laisser croire qu’il s’agit d’une loi de normalisation, alors qu’il ne s’agit que d’une communication.
Il serait fastidieux de décrire intégralement ces cinq critères qui pour certains reposent sur des démonstrations mathématiques pas évidentes.
Citons pour exemple :
Le critère N°1
La surface couverte par l’ensemble des sources doit être plus grande que 80 % de la surface totale de l’empilement. Ce taux porte le doux nom de ARF ( active radiating factor). En clair, si les sources occupent une proportion importante de la surface totale, cela signifie qu’elles sont proches les unes des autres.
L.Acoustics cloisonne les sources avec de l’alu, ce qui lui permet d’en réduire l’épaisseur.
2ème critère:
La distance (step) qui sépare les centres de chacune des sources est
< ou = à λ / 2 de la fréquence d’utilisation la plus élevée.
Pour 16 KHz, λ//2 = 340 / 16000 / 2 = 0,02125 m soit 1,05 cm maximum. On ne peut imaginer de satisfaire à ce critère avec des tweeters en radiation directe.
Le fameux guide d’onde V.Dosc permet de réaliser le miracle. Les autres constructeurs ont leur propre système, parfois très basique.
Les 3 autres critères concernent les angles maximums que l’on peut donner aux enceintes composant le line source. La couverture ne serait plus homogène.D’autres critères concernent la mise en phase de toutes les ondes sonores.
Les travaux de L.Acoustics ont eu un impact évident sur la sonorisation moderne. La plupart des constructeurs s’en sont inspirés même parfois en dénigrant les créateurs.
La plupart des gens, même professionnels confondent allègrement line array et line source. Les constructeurs ne font d’ailleurs rien pour lever l’ambiguité , comme Nexo, dans sa notice de GEO T qui utilise indifféremment les termes de line source et de line array.
4 – Remarques
Si tout le mondes admet que les sources s’assemblent mieux lorsqu’elles sont très proches les unes des autres, certains constructeurs sont très critiques envers L.Acoustics.
Les laboratoires John Meyer
L‘existence d’ondes cylindriques est, selon les ingénieurs de cette entreprise, plus du domaine du marketing et de l’escroquerie intellectuelle que de la réalité scientifique.
"Can a line array really form a “cylindrical wave?” In a word, no. A common misconception regarding line arrays is that they somehow magically enable sound waves to combine, forming a single “cylindrical wave” with special propagation characteristics. Under linear acoustic theory, however, this is impossible. “Cylindrical wave” is a marketing concept, not a verifiable acoustical reality."
Tony Andrews, créateur réputé de Function One et auparavant de Turbo Sound s’attaque globalement au système Line array en disant que les auditeurs, où qu’ils se trouvent, n’entendent au final qu’un énorme filtrage en peigne, comme le montre son croquis :
5 - Quelques systèmes line array et line source :
La qualité sonore a fait des progrès considérables et le choix d’un système se fait plus en fonction d’éléments comme la simplicité et la rapidité du montage, la possibilité de faire le travail en solo, pour certaines circonstances pour les prestations de jauge moyenne ou faible. L’impératif de faire appel à des spécialistes du montage et du calage ne peut être réservé qu’aux prestations haut-de-gamme qui sont en nombre, très minoritaires.
L-Acoustics présente plusieurs systèmes qui se réfèrent tous au line source et au WST et qui ont ont tous pour point commun un moteur de compression équipé du guide d’onde DOSC (le Kudo en a même 2), pour les fréquences aiguës et diffèrent essentiellement par le nombre et la taille des HP utilisés. Les systèmes destinés à couvrir de grandes distances : le DV.Dosc, le Kudo et le V.Dosc.
Un système nettement plus petit et moins lourd que les autres : le Kiva.
Un système conçu pour les couvertures horizontales larges et les salles de jauge moyenne : l’ARCS. Leur performance est meilleure en couverture horizontale. Le fabricant préconise pour une couverture verticale, une utilisation en cluster, en précisant que le rapport de distance 1er rang /dernier rang doit être = ou < à 1 /4, ce qui n’autorise pas de salles très profondes.
On voit dans l’illustration ci-dessus, que pour une utilisation en façade, la couverture horizontale de 60° est très insuffisante.
Le Kudo présente l’avantage d’être très modulaire et de pouvoir être empilé dans tous les sens pour répondre à n’importe quel besoin.
Un élément qui peut se révéler pratique est la directivité asymétrique de certaines enceintes. ARCS : +20° vers le haut et 40° vers le bas. Le Kudo peut être configuré selon les besoins, en symétrique ou en assymétrique.
Effectivement, avec une directivité verticale élargie vers le bas, on peut couvrir des distances plus proches.
Tous ces systèmes peuvent être exploités de manière complémentaire mais pas dans le même empilement, comme pour la sono de Red hot au stade de France, pour 60 000 spectateurs (voir photos) :
87 Kudo configurés en 2 clusters de 21 et 3 clusters de 15, soit une puissance de 237 KW
Le Kudo peut porter à plus de 100m.
60 V.Dosc ( 210 KW) et 80 SB 218 ( pour combler les trous).
Soit en tout, 227 enceintes et une puissance de feu largement supérieure à 500 KW !
Quelques caractéristiques de systèmes L.Acoustics:
Autres systèmes : La liste est très loin d’être complète et dépend un peu du hasard de mes rencontres.
MEYER SOUNDS : Le catalogue comprend des systèmes de taille variée. J’ai selectionné les plus gros. Ce qui donne des éléments de comparaisons avec le V.Dosc et le Kudo. Système MILO : HP : 2 x 12’’, 1 x 4’’ et 3 x 2 ‘’
Le niveau SPL Max est considérable : 140 dB. Les 3 compressions 2’’ n’y sont pas étrangères. La puissance nécessaire n’est pas donnée. La couverture H est de 90°
Les dimensions et le poids sont imposants : 1372mm x 368 x 559 106 Kg M 3D :
HP : Low : 2 x 15’’, Low-mid : 2 x 15’’, HF : 2 x 4’’ Puissance requise par enceinte est > à 1850 W
Niveau SPL MAX = 145 dB soit 11 dB de plus que le V.Dosc, ça représente près de 15 fois plus de W !
Ouverture H : 90° Dimensions : 1372 x 508 x 775 mm
Poids : 188 Kg
Remarquons que la largeur de l’enceinte est la même dans les deux systèmes. Ce qui arrive dans plusieurs marques (mais pas L-Acoustics) et qui permet une bonne complémentarité entre les systèmes, en utilisant notamment en bas des empilements, des enceintes moins puissantes.
ADAMSON : Chez ce constructeur canadien, je n’ai connaissance que du Spektrix dont voici quelques caractéristiques. Remarquons qu’aux dires de certains utilisateur, c’est un système très pratique et très rapide à monter seul (en stack et non en accroche).
De taille et de poids réduits, une personne seule peut le gérer.
220 x 710 x 480, 29 Kg
La réponse en fréquence limitée dans le grave exige un sub.
Directivité H : 120° . C’est important et permet de couvrir les premiers rangs du centre, sans ajout d’enceinte.
Directivité V : 5° par élément MAX SPL : 130 dB
La sensiblité (dB /1W /1m): LF : 94,5 MF : 99 HF : 112
HP : LF : 8,5’’ MF : 8,5’’ HF : compression 1,5’’
En puissance programme, l’enceinte nécessite environ 1200W.
NEXO : Parmi les plus novateurs, Nexo propose le système GEO qui présente la particularité de pouvoir moduler la directivité H grâce à un système de déflecteurs. Le GEO T 4805 : C’est un 3 voies : 2 x 8’’, 2 x 8’’, 1 x 3’’ Dimension : 286 x 903 x 627 et poids : 52 Kg Sensibilité : 109 dB/ 1W /1m Puissance : je suppose qu’il s’agit de la puissance crête ou maxi admissible, vu les valeurs annoncées : LF : 5200 W, MF/LF : 5200W, HF : 2700W Un petit calcul au passage : 109dB/1W/1 concerne le tweeter, toujours le plus efficace des HP. Avec une puissance de 2700W on a un spl max de : 109 + 10 log 2700 = 143,3 dBspl *
Le GEO T 2815 est plus petit mais de même largeur ce qui devrait autoriser (sous réserve) une complémentarité avec le système précédent.
Tableau récapitulatif :
Publié avec l'aimable autorisation de René KAMOUN
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